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A l’image de la place du handicap dans la vie publique, l’accessibilité au jeu vidéo reste une question à la marge, bien qu’elle concerne des millions de personnes. L’industrie vidéo-ludique a mis un certain temps avant de s’emparer de la question, auprès d’un public particulièrement en demande, trop pluriel commercialement pour être fédérateur. Aujourd’hui, grâce au travaux d’aidants, d’associations et par l’éveil de certaines sociétés de l’industrie du jeu vidéo, l’accessibilité rentre dans une nouvelle ère.
Mais avant d’aller plus loin, un petit état des lieux de la situation :
L’accessibilité au jeu vidéo c’est quoi ?
L’accessibilité représente l’ensemble des moyens mis à disposition aux personnes en situation de handicap pour accéder aux différents pans de notre société : milieu professionnel, commercial, du sport, des loisirs ou de la culture par exemple.
Dans le cas du jeu vidéo, l’enjeu est donc d’apporter des solutions sur un médium qui dans sa pratique “classique”, sollicite chez l’utilisateur à la fois des moyens visuels, moteurs et cognitifs. La définition de handicap regroupant des limitations d’ordres physiques, mentales et sociales, le défi de l’industrie vidéo-ludique est donc d’intégrer des solutions à tous ces publics.
Devant l’ampleur de la tâche, jusqu’à une actualité trop récente, la réponse des développeurs a trop souvent été de ne rien faire. L’intégration desdites solutions entraînant un surcoût de production et un étirement des délais, le choix de ne rien proposer a longtemps été pratique courante. Ce n’est qu’au prix d’un long travail de sensibilisation, associé à certaines avancées législatives, que les éditeurs ont fini par admettre le besoin d’apporter des solutions à ce public trop longtemps ignoré.
Médium arrivant enfin à maturité après 50 ans d’existence, l’industrie du jeu vidéo, trop heureux de compter chaque année un nombre d’utilisateurs croissant, n’a pas ressenti le besoin d’aller chercher ces publics à la marge que sont les personnes en situation de handicap. Les premières voix à s’élever devant la situation ont été les aidants. Les parents, frères, sœurs, amis ou époux de personnes en situation de handicap ont été les premiers confrontés à cette demande croissante à la fin des années 80.
Comment donner l’accès à la personne dont je prends soin à ce médium si nouveau et si excitant? L’industrie n’apportant pas de réponse, c’est sur leurs épaules qu’a reposé la charge de trouver des solutions.
L’accessibilité au jeu vidéo a donc fait ses débuts à la débrouille, à l’ingéniosité obstinée d’aidants afin de bricoler des solutions quasiment uniques pour leurs proches afin de jouer. Ici avec une seule main, la bouche là-bas, ou encore au ralenti. Cette série documentaire vous donnera un aperçu plus détaillé des problématiques liées au développement d’un jeu en prenant en compte le facteur handicap.
Au fil des années, les aidants ont vu leurs efforts récompensés par l’apparition de structures, notamment associatives, proposant des solutions individualisées en fonction des problématiques de chacun. L’association CapGame, créée en 2013, est en France la figure de proue d’un combat loin d’être terminé.
On citera également certains acteurs de la scène pirate du jeu vidéo. En effet certaines fonctionnalités implémentées pour un joueur classique dans le but de tricher permettent parfois de rendre un jeu plus confortable pour une personne en situation de handicap (visée assistée, tir automatique…).
Où en sommes-nous ?
Grâce aux efforts conjoints des associations et des aidants, les développeurs ont pris, petit à petit, conscience du besoin de répondre à la demande du public des personnes en situation de handicap. Ainsi, depuis l’avant dernière génération de consoles de jeu (2006), les titres développés intègrent de plus en plus de fonctions destinées à répondre à cette demande. Les premières fonctionnalités à voir le jour ont été d’ordre visuel, comme la prise en charge du daltonisme ou la gestion chromatique. Cependant ces fonctionnalités restaient encore trop rare et laissées au libre arbitre du développeur. En 2010, le président Barack Obama fait voter une loi : 21st Century Communications And Video Accessibility Act of 2010. Concernant le jeu vidéo, cette dernière impose aux développeurs la prise en charge d’un certains nombres de critères lors du développement d’un jeu afin de le rendre accessible au plus grand nombre. Depuis 2018, les jeux édités ne répondant pas à ces critères doivent payer une amende conséquente au gouvernement fédéral.
Du côté matériel également, les éditeurs se sont emparés du problème en proposant des outils pour enfin répondre aux aidants. En 2018, Microsoft sort l’Adaptive Controller, une plateforme de contrôle paramétrable permettant de répondre à différents handicaps moteurs. Logitech emboîtera le pas de cette démarche en 2019 en proposant l’Adaptive Gaming Kit, destiné à étoffer les possibilités de l’Adaptive Controller.
Concernant la visibilité des joueurs en situation de handicap, l’émergence du streaming leur a permis de se mettre en scène et de montrer leur quotidien de joueurs en situation de handicap ou de montrer leur maîtrise du jeu face à des joueurs classiques. Les fournisseurs de contenus éditoriaux, comme les sites d’information ou les émissions télévisées sur le jeu vidéo sont encore à la traîne. On saluera toutefois le très bon sujet du site Gamekult sur l’accessibilité ainsi que le site Xboxsquad qui enrichit ses tests d’une partie « critères d’accessibilité » encore trop rare.
On peut donc clairement constater, sur les dix dernières années, un réel progrès sur la question de l’accessibilité au jeu vidéo. Cependant le soutien et la sensibilisation sont encore nécessaires auprès des familles et des structures aidantes car trop méconnues du grand public. Les établissements et structures d’accueil ne sont globalement pas équipées et les financements de projets d’équipement trop souvent relégués au rang de “non-prioritaires ».
De plus, l’évolution de la pratique du jeu vidéo au fil des avancées technologiques, comme la réalité virtuelle, soulève de nouvelles problématiques auquel les développeurs n’ont pas encore répondu.
Pour aller plus loin sur ce sujet, nous vous recommandons de visionner la conférence TousGamers de Jérôme Dupire au CNAM.
Du côté de NaturalPad, conscients de la limite de nos connaissances sur le sujet, souvent confrontés à un public de personnes en situation de handicap, nous avons fait le choix d’inclure dès la conception de nos jeux ce public de joueurs non classiques et de nous entourer de professionnels de la question de l’accessibilité dans les jeux vidéo.