Bonjour, je m’appelle Kevin Bradshaw et je viens de faire trois mois de stage chez NaturalPad. J’ai un parcours scolaire tumultueux, trois redoublements, seconde option théâtre, Bac STI Génie Optique, trois années « sabbatiques », et un abandon en deuxième troisième année de licence informatique. J’ai aussi quelques années de travail dans le fast-food, bars et campings, qui, lorsqu’on considère mes succès académiques, font de moi le candidat idéal dans une STIC qui spécialise dans la recherche et l’innovation.
J’aime justifier de mes capacités en affirmant que je suis un expert de la débrouille, le système D est mon point de départ sur tout nouveau projet. Je mèle tout de même cette attitude à une curiosité, car malgré ce que ma scolarité peut laisser penser, je lis beaucoup, sur tous les sujets qui touchent de près ou de loin mes activités.
Il y a deux ans, j’ai commencé à m’intéresser au jeu video, par hasard. Un été, en vacances. Je suis tombé sur le concours Ludum Dare et du haut de mes deux ans de cours d’informatique (destinés à l’origine à me permettre d’avancer mes capacités en musique électronique), j’ai décidé de participer. Ludum Dare est un « game jam » et comme tous les game jams, il demande à ses participants de créer un jeu video en un temps limité. Ludum Dare dure donc 48 heures et l’édition numéro 21 d’Août 2011 m’aura accueilli parmi ses 599 participants. Depuis, je crée des jeux vidéo, souvent en contexte de game jam et toujours avec une phase de conception rapide, où le code source ressemble plus à une toile couverte de peinture fraîche qu’à un ensemble de briques destinées à fonder un projet solide.
Aujourd’hui, je viens d’effectuer trois mois de stage chez NaturalPad. L’objectif était de proposer un nouveau jeu pour la plateforme thérapeutique, avec un gameplay différent de celui de Hammer and Planks. J’ai amené avec moi ma culture de développement chaotique et j’ai pu constater que, confronté au monde réel, cette façon de travailler avait des avantages, mais aussi un coût humain non-négligeable.
Prototyper ainsi de façon chaotique et rapide présente la possibilité de tester ses idées, de les confronter aux regards, et de pouvoir rapidement rejeter ceux qui ne sont pas intéressants. L’esprit humain construit des modèles, il imagine des mécanismes, mais parfois ces modèles ne sont pas compatibles avec la réalité, ce n’est qu’en transposant ces idées qu’on en voit les limites. On se rend compte que notre super idée n’est finalement pas si amusante que ça, ou qu’elle est très difficile à faire comprendre à quelqu’un qui ne partage pas intimement sa culture. Il faut donc détecter ce genre de problème rapidement et trouver des corrections ou des alternatives. Passer par des cycles de prototypage rapide avant de se lancer sur un projet long et coûteux peut donc être bénéfique.
Cependant, la construction de prototypes est un travail ingrat. On fournit un effort intellectuel intense, on n’a pas le temps de se créer une routine, on est en « mode rush » en continu, ce qui est rapidement fatiguant. De plus, on crée des éléments et des modules qui seront souvent inutiles plus tard et souvent même s’ils sont réutilisés, ça ne sera qu’après une réécriture, on a donc l’impression de travailler pour rien.
La fatigue et la démotivation sont donc le coût que l’on doit payer pour profiter du prototypage.
NaturalPad est une entreprise et dans une entreprise on essaie d’augmenter la valeur en diminuant le coût, on m’a donc demandé de proposer une méthode de travail qui permettrait de créer des prototypes utiles, en évitant les problèmes que j’ai mentionnés.
Je propose donc une méthode que je surnomme « Protowiping », que je résumerai ici, mais qui est disponible plus en détail dans un document qui évoluera: Protowiping.
D’abord, introduire une étape de repos/veille/réflexion dans un cycle assez formel. Ceci permet de se changer les idées et de se décrocher de l’écran. L’autre point fondamental est de formaliser le « but » de chaque prototype, sous forme d’une feuille de contexte et de feuille de prototype, ainsi qu’une grille de questions qui permettront de valider ou rejeter l’idée qu’on teste.
On utilise donc un cycle avec trois étapes fondamentales. On a une phase de préparation, qui sert aussi d’étape de repos et veille entre les cycles. Une phase plus longue de développement où on se met en « mode rush ». On établit la feuille de prototype et on va au charbon. Ensuite une dernière étape courte où on fait tester le prototype ainsi créé par un maximum de personnes et où on établit un verdict sur la viabilité du concept proposé par le prototype. Pendant cette étape on reste aussi attentif aux suggestions faites par les testeurs, l’inspiration vient souvent de l’extérieur!
Pendant ces prochains mois à NaturalPad et aussi dans mes projets personnels, je mettrai cette méthodologie à l’épreuve et j’espère peaufiner la procédure pour pouvoir obtenir le maximum de cette culture « game jam » appliquée au monde professionnel.